De l'âme: Sept lettres à une amie (2023)

Editeur: ALBIN MICHEL; 1er édition (3 novembre 2016)
Pages: 99 pages
Format: ePUB, PDF, Doc, TXT, MP3, KINDLE, FB2
Langue: Français
Descriptions de livres
« Lorsque j'ai reçu votre première lettre, chère amie, je vous ai répondu immédiatement. Avoir de vos nouvelles plus de trente ans après m'a procuré une telle émotion que ma réaction ne pouvait être qu'un cri instantané.
Votre deuxième lettre, que j'ai sous les yeux, je l'ai gardée longtemps avec moi, c'est seulement aujourd'hui que je tente de vous donner une réponse. La raison de ce retard, vous l'avez sans doute devinée, puisque votre missive contient une singulière requête : "Parlez-moi de l'âme"...
Votre phrase : "Sur le tard, je me découvre une âme", je crois l'avoir dite à maintes reprises moi-même. Mais je l'avais aussitôt étouffée en moi, de peur de paraître ridicule. Tout au plus, dans quelques-uns de mes textes et poèmes, j'avais osé user de ce vocable désuet, ce qui surement vous a autorisée à m'interpeller. Sous votre injonction, je comprends que le temps m'est venu de relever le défi... »

Commentaires

Depuis "Le discours de la méthode"de Descartes l'objectif de la science est de démontrer le lien étroit entre le corps et l'esprit humain.Le cerveau conditionne toute activité spirituelle de l'homme. Dès lors, la mort cérébrale emporte celle de l'esprit humain. Or,François Cheng écrit : "A part le bouddhisme, dans la version la plus extrême de sa doctrine, toutes les grandes traditions spirituelles ont pour point commun d'affirmer une perspective de l'âme humaine au-delà de la mort corporelle, l'âme de chaque être est reliée au souffle primordial qu'est le principe de Vie même. A cette dernière affirmation un scientifique objecterait que le souffle primordial ne peut opérer que par l'intermédiaire du corps humain et, plus précisément, de son cerveau.De fait, le chirurgien ne peut, à l'aide de son scalpel, trouver dans le corps humain un organe qui ferait fonctionner l'âme humaine. Scientifiquement, l'âme humaine n'existe donc pas, à tout le moins dans l'état actuel de nos connaissances établies par le matérialisme scientifiques (sous réserve des découvertes de la physique quantique). Ce qui tendrait à accréditer la véracité de la célèbre formule de Voltaire : "Ce n'est pas Dieu qui a créé l'homme, mais l'homme qui a créé Dieu"!
Toutefois, la constatation de François Cheng sur la reconnaissance d'une âme humaine immortelle, admise historiquement par toutes les grandes traditions spirituelles, incite à faire preuve d'un peu d'humilité car la science est une activité relativement récente et en évolution constante. Ainsi, dans son livre "La conscience quantique et l'au-delà"et dans"l'homme quantique", Emmanuel Ransford croit pouvoir affirmer qu'il existe un lien entre la physique quantique et la spiritualité humaine .Pour l'instant, il n'y a de science que matérialiste, mais la méthode scientifique appréhende désormais avec les neurosciences le domaine psychique comme le montrent les expériences réalisées par le neuropsychiatre Mario Beauregard décrites dans son récent livre "Un saut quantique de la conscience". Ces expériences conduisent à se demander pourquoi la loi de la relativité générale d'Einstein ne s'applique pas au fonctionnement des particules subatomiques qui se jouent de l'espace et du temps et sont régies par les lois de la physique quantique que leurs inventeurs (Niels Bohr,Alain Aspect) savent appliquer sans en comprendre le fonctionnement.? Teilhard de Chardin,le paléontologue chrétien, a découvert la loi de complexité croissante de l'évolution du cosmos et des êtres vivants (la cosmogénèse).Cette loi semble avoir pour conséquence d'exiger de la science une adaptation continuelle de ses méthodes pour pouvoir progresser. Enfin, comment ne pas percevoir, à la lecture de l' essai sur l'âme humaine de François Cheng, que l'accès à la vérité et à la sagesse n'est pas exclusivement réservé à la science mais tout autant à la poésie.
Le problème de fond que pose François Cheng est celui des limites de la connaissance scientifique et du rationalisme qui n'épuisent pas, à eux seuls, la connaissance de l'univers par l'esprit humain parce que ce dernier n'est pas réductible à la seule raison. L'académicien Jacques Rueff, partage la vision du monde de Cheng. Dans son livre"Les Dieux et les Rois", il nous fait part de son sentiment sur le caractère inadéquat de l'esprit des hommes dès qu'il prétend sortir des artifices d'explications faites pour lui et par lui, compte tenu de sa logique propre, pour tenter de pénétrer le domaine des causes profondes, valables dans l'absolu, c'est à dire, hors de son propre esprit. Autrement dit, la science devrait selon lui, borner son ambition à un formalisme mathématique propre à expliquer les apparences que nous connaissons, non à pénétrer le domaine des essences qui nous serait irrémédiablement fermé. Jacques Rueff semble partager la vision exposée par Platon dans son mythe de la caverne : l'homme ne perçoit que les ombres de la réalité. Pour lui, en effet,l'explication scientifique n'est qu'une "création de causes" destinée à expliquer une collection d'apparences qui résultent autant des dimensions de l'observateur et du système d'unités à l'aide desquelles il les exprime que de l'objet observé.La science est un instrument ad hoc valable seulement dans le domaine d'explication duquel il a été créé.
Certes,elle donne la puissance,puisqu'elle permet d'expliquer et de prévoir non seulement dans la zone d'où ont été tirés les enseignements qu'elle résume,mais aussi, bien que d'une façon incertaine et toujours révocable,dans la marge qui l'entoure.Cependant,"je ne la tiens pas pour exhaustive de la réalité".
En dehors de la connaissance scientifique,je n'ai aucune difficulté à admettre d'autres modes de connaissances, valables pour d'autres séries de perceptions non moins réelles que les observations scientifiques et qu'ils tendent à "'expliquer". Auprès de l'esprit savant,,j'observe celui du poète, du musicien,du peintre ou du philosophe. Eux aussi, pour traduire "les expériences" qui leur sont propres créent des systèmes de causes efficaces puisque le vers, la musique, la peinture ou la philosophie. Elles sont communicables à des tiers et peuvent faire naître en ceux-ci des émotions semblables à celles d'où elles ont été tirées. Je n'oublie pas que pour Jean Cocteau, le réalisme était"l'art de peindre avec exactitude les intrigues d'un univers propre à l'artiste et sans le moindre rapport avec ce qu'on a coutume de prendre pour la réalité".
Je n'ai aucune difficulté à admettre que le mystique transporté d'amour pour le Créateur, dont il sent en lui la présence,éprouvant dans son cœur, avec certitude, la révélation immédiate et totale d'un monde surnaturel, adopte, pour expliquer sa vision un système de causes particulières, différentes de celles qui fournissent l'explication des observations scientifiques et accaparent l'esprit du savant dans son laboratoire. Hors les apparences sensibles,à côté d'elles, Jacques Rueff constate l'existence de l'amour et de la foi,le sentiment de l'infini, la conscience du devoir envers les autres et envers soi-même, la soif de la charité ou de prière.Tout cela n'est pas moins réel que l'appétit de connaissances positives et nous place devant le mystère des mystères celui de la personne et de l'âme humaines.
Cheng et Jacques Rueff, à l'instar de ce que déclare Jean Rostand dans son livre "Ce que je crois" réclament "le privilège de se ranger délibérément, non parmi les téméraires qui croient qu'ils savent, mais parmi les sages qui savent qu'ils croient".


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