« Nous avons les yeux rouges. Les cercueils d’Alain et Cédric sont partis il y a quelques instants avec le président de la République, les familles et les autorités. Nous avons ensuite quitté les rangs pour saluer nos collègues rassemblés pour la circonstance dans une cour des Invalides baignée par la lumière du printemps. Nous sommes une centaine de commandos marine, membres des opérations spéciales, à être venus adresser un ultime salut à nos camarades disparus. Les autres unités du Commandement des opérations spéciales sont aussi là : 1er RPIMA, 13e RDP, CPA 10, GIGN... Je serre la main des agents de la DGSE, qui se trouvent en civil au fond de la cour. Avec les autres membres de mon groupe, je rejoins Tangui, resté au milieu de la place désormais désertée de ses visiteurs funèbres. Tangui serre la photo d’Alain contre lui. Il était resté aux côtés du cercueil pendant toute la durée de l’hommage national et semble désormais incapable de lâcher le cliché encadré. ”Ça y est, il a fait le grand saut.” »
Louis Saillans est entré en 2010 dans les commandos marine et devient chef de groupe cinq ans plus tard. Durant près d’une décennie, il a participé à des opérations militaires en Afrique et au Moyen-Orient visant à libérer des otages, capturer des responsables djihadistes ou neutraliser des terroristes. Grâce aux notes prises au cours de ses missions et à des documents d’archive auxquels il a eu accès, il dévoile la réalité des missions des forces spéciales avec la plus grande exactitude. Il retrace aussi le parcours des soldats de ces unités, passés par une sélection drastique durant laquelle ils ont subi les pires épreuves physiques et psychologiques. À travers une narration d’une rare lucidité, il décrit le quotidien de ces hommes devenus des guerriers, la fraternité d’arme, les coulisses des opérations spéciales et la face cachée de la lutte contre le terrorisme. Un témoignage unique, qui permet de mieux comprendre le travail de ces combattants de l’ombre prêts à sacrifier leur vie pour sauver la nôtre et maintenir la paix.
Commentaires
Si l’on veut comprendre l’engagement militaire français au Sahel - ou du moins essayer d’appréhender les positions politiques parfois opaques de la France face au djihadisme - “Chef de Guerre” ne nous sera pas d’un grand secours, "Secret Défense" oblige ! En revanche, si l’on veut se retrouver en immersion totale à travers le prisme des missions de reconnaissance ou de combat, “Chef de Guerre” est une référence. Pour se faire, qui de mieux qu’un homme de terrain, un ancien militaire des forces spéciales - plus précisément un commando marine - en la personne de Louis Saillans (un pseudonyme bien évidemment), pour nous parler à cœur ouvert de l’action des forces françaises. Garante de la paix et des libertés sur un territoire immense et désertique, l’opération Barkhane peut nous paraître dérisoire et disproportionnée tant les enjeux nous semblent troubles. Mais bien avant l’engagement étatique que nous connaissons - par le biais des infos, des journaux, d’Internet, avec son lot de fake - “Chef de Guerre” est le récit autobiographique d’un engagement personnel, celui d’un soldat d’élite qui durant presque une décennie a fait passer son devoir de soldat, de chef d’escadron, ses missions et ses camarades, avant sa vie de famille. Le sens du devoir chevillé au corps - même si jamais dans ses pages, nous ressentons un quelconque aveuglement idéologique - Louis Saillans nous parle de son parcours atypique qui l’a amené à fouler le sable du désert… Mais pour l’heure, le mieux serait d’apprécier cette leçon de courage, de sacrifice, de bravoure, d’amitié et surtout d’humanité en lisant cet ouvrage témoignage. Avec le recul, l’expérience et la lucidité d’un militaire chevronné, Louis Saillans nous met cependant en garde, je le cite : “Les opérations militaires permettent de remporter des batailles, mais pas la guerre, la confrontation idéologique doit prendre le relais. Et seules les idées peuvent combattre sur le champ des idées !”
5/5